Il faut dire que le dispositif, qui est largement susceptible d’évoluer, voire d’être supprimé, au fil des discussions parlementaires, recèle encore de nombreuses inconnues. Quelle sera la durée minimale d’exercice ? Mystère : elle sera fixée ultérieurement, par décret. Quelle est la véritable motivation ? C’est loin d’être clair : l’exposé des motifs du PLFSS met l’accent sur le coût de l’intérim pour les finances hospitalières. Mais il insiste que l’intérim soit interdit aux jeunes diplômés.
Intérim interdit : Un temps d’adaptation nécessaire pour les jeunes diplômés ?
Reste à savoir ce qu’en pensent les jeunes diplômés car il est interdit pour eux de faire de l’intérim. Côté ressources humaines, le flou qui nimbe encore l’éventuelle introduction d’un délai avant de pouvoir pratiquer l’intérim n’empêche pas d’y voir certains avantages, notamment pour des raisons de qualité des soins. « On peut faire le parallèle avec le libéral. Il n’est pas accessible directement après le diplôme, souligne Nicolas Delmas. Il est un DRH des hôpitaux Bichat-Claude-Bernard et Beaujon à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). La formation pratique et théorique n’est pas suffisante. Il faut un certain temps pour exercer toutes ses compétences dans un contexte de forte autonomie. »
Du côté des agences d’intérim, le ton est tout autre, même si on tient à afficher une certaine sérénité. « Les diplômés de moins de deux ans ne représentent qu’environ 20 % de nos missions, estime ainsi Kamel Boudjedra, cofondateur de l’Agence d’emploi des métiers de la santé (Agems, dont les fondateurs sont aussi ceux de ActuSoins). Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas non plus significatif. » -Pour cet ancien infirmier, les choses semblent assez simples. Si l’intérim est interdit aux jeunes diplômés, ils seront remplacés par de plus anciens. Car les besoins d’intérim ne disparaîtront pas. L’effet le plus notable sera donc une augmentation des prix, et les pouvoirs publics « se tirent une balle dans le pied », commente-t-il.
Arrêter de taper sur les soignants
Les jeunes diplômés pourraient subir les conséquences de la mesure où l’intérim est interdit aux futurs soignants, dès la rentrée prochaine. Ils sont quant à eux plus partagés. « D’un côté, on comprend que cette mesure pourrait améliorer la sécurité du patient et du professionnel. C’est l’analyse de Mathilde Padilla, présidente de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (Fnesi). Mais d’un autre côté, nous sommes dubitatifs, car il s’agit d’une restriction de notre liberté d’exercice, ajoute la représentante des étudiants. Elle craint un précédent coercitif permettant, à terme, de « forcer les infirmiers à travailler dans tel ou tel hôpital ». Il faut arrêter de taper sur les soignants, s’insurge-t-elle. S’il y a des difficultés de recrutement, s’ils partent, ce n’est pas leur faute. Mais de la faute du système de santé qui dysfonctionne. »
Car c’est bien l’attractivité qui constitue le fond du problème, et Nicolas Delmas en convient. C’est pourquoi pour lui, même si la mesure gouvernementale est adoptée, Cela ne dispensera pas les établissements de produire les efforts d’attractivité nécessaires pour rester concurrentiels face aux deux grands avantages. Les professionnels peuvent voir à l’intérim : la possibilité de choisir son planning, et la possibilité de gagner de l’expérience en travaillant dans de multiples services.